« Jung, un voyage vers soi »

par Frédéric Lenoir – Albin Michel 2021

Frédéric Lenoir Jung 2021
Frédéric Lenoir Jung 2021

Comment une fiche de lecture devient un pavé…

[les quelques notes entre crochets sont mes propres commentaires, pas ceux de l’auteur.]

Carl Gustav Jung

Carl Gustav Jung
Carl Gustav Jung

Carl Gustav Jung
Médecin psychiatre suisse, né le 26 juillet 1875 et mort le 6 juin 1961.

Partie 1 : Comment on devient un grand psychanalyste

Soixante ans après sa mort, Jung reste méconnu du grand public, surtout en France, alors que ses idées imprègnent des pans entiers de notre culture.
Ses travaux ancrés dans la psychologie des profondeurs aboutissent à l’élaboration de grands concepts : la synchronicité, les complexes, l’inconscient collectif, les archétypes, les types psychologiques, l’anima et l’animus, l’ombre, la persona, le processus d’individuation…
Ils bouleversent « les connaissances psychologiques, mais aussi la philosophie, l’anthropologie, la physique, les sciences de l’éducation, la théologie, l’histoire des mythes et des croyances. »
Jung privilégie dans ses recherches l’expérience personnelle et la recherche de la vérité, indifférent aux modes et à l’esprit du temps, ce qui le condamnera souvent à l’incompréhension et à la solitude. Ainsi sa relation avec Freud, suivie de 1906 à 1912 sera abrégée pour cause de désaccord intellectuel et personnel. Il critique aussi la vision scientiste issue du 19ème siècle et encore active au début du 20ème, « selon laquelle les théories scientifiques communément admises présentent une vision parfaitement objective et définitive du réel. »
Il met également à mal la religion chrétienne, dont il souligne « la perte d’intériorité et de ferveur spirituelle authentique » et qu’il désigne comme « creuse à un degré terrifiant ».
Pourquoi s’intéresser ici à lui ? En même temps qu’il analyse avec une grande lucidité des principes très modernes – et leurs limites – (la raison critique, la globalisation, l’avènement de l’individu…), il participe à « la quête de sens contemporaine qu’il a aussi en grande partie inspirée par ses écrits sur les philosophies orientales, l’ésotérisme et les courants mystiques, le lien entre sens et spiritualité, le langage symbolique, le dialogue du conscient et de l’inconscient, les phénomènes paranormaux, l’exploration des confins entre la vie et la mort, la conjonction des contraires ou des polarités : ombre/lumière ; raison/sentiment ; bien/mal ; masculin/féminin ; individu/cosmos ; esprit/matière, etc. »

Famille

La généalogie de Jung explique son intérêt simultané pour l’ésotérisme et la science.
Une légende familiale, non avérée, indique qu’il serait peut-être un descendant illégitime de Goethe.
Dès le 17ème siècle, sa lignée comporte des médecins, ou psychiatres, dont certains se nomment comme lui, et dont quelques-uns seront Rose-Croix ou Francs-Maçons.
Son père préfère la religion et la philosophie à la médecine, et deviendra théologien et pasteur.
Sa mère, Emilie, est issue elle aussi d’une lignée de pasteurs, son père était un érudit protestant. Il conversait avec l’esprit de sa première épouse décédée, et demandait à sa fille de se tenir derrière lui quand il écrivait ses sermons pour ne pas être dérangé par les esprits. Sa deuxième épouse, la mère d’Emilie, avait des dons divinatoires, après être restée 36 heures dans un coma cataleptique à l’âge de 20 ans. Elle tirait les cartes et communiquait avec les défunts.
Du côté paternel aussi bien que maternel, Jung dispose de fratries nombreuses (12, 15 enfants…) parmi lesquels de nombreux médiums… et de nombreux pasteurs.
Il constate lui-même, en étudiant sa généalogie, que « la médecine, la religion et les phénomènes paranormaux sont les piliers du karma familial », et les trois « champs qu’il va investir durant toute son existence. »
Dès l’enfance, très entouré par la religion, il la rejette, mais ne perd pas la foi. A 17 ans, il découvre la philosophie, qui le libère de la morbidité liée à la religion et l’éblouit. L’enfant solitaire et replié sur lui-même devient un jeune homme ouvert, curieux, doté d’un grand appétit pour la vie.

Etudes et carrière

Partagé entre ses trois grandes passions : les sciences naturelles, l’histoire des religions antiques et la philosophie, il opte finalement pour la médecine. Il sera passionné par ses études, sauf la physiologie, car il ne supporte pas les vivisections sur les animaux, dont il juge la répétition « barbare, horrible et surtout superflue ». Il supporte aussi difficilement les atteintes inutiles aux végétaux.
Jung a 21 ans lorsque son père décède, et il a alors le sentiment que celui-ci est passé à côté de sa vie, et qu’il est primordial pour un humain de se réaliser en fonction de ses critères propres, et non pas sous l’influence de la famille, la religion, la mode…
Entouré de médiums dans sa famille, il est stupéfait de découvrir que ses camarades étudiants en médecine ne croient pas à l’existence de ces phénomènes. Loin de se laisser influencer, il réalise tous les samedis des expériences de tables tournantes avec une de ses cousines, et se plonge dans les écrits médicaux sur les phénomènes paranormaux. Il trouve même confirmation dans l’œuvre de ses deux philosophes préférés : Kant (parlant de Swedenborg) et Schopenhauer.
De plus en plus intéressé par la psychologie et le psychisme humain, il décide de se tourner vers la psychiatrie.
En 1900, il devient second assistant à la clinique psychiatrique du Burghölzi, à Zurich, dirigée par le grand psychiatre Eugen Bleuler, élève de Charcot, inventeur entre autres des termes « autisme » et « schizophrénie ». Jung se rendra aussi à Paris pour suivre des cours du successeur de Charcot : Pierre Janet.
Eclairé par la lecture de psychologues de renom à l’époque : Théodore Flournoy, William James, Pierre Janet, qui s’intéressent de près à l’expérience spirite et à l’écriture automatique, il soutient en 1902, à 27 ans, sa thèse de doctorat : « De la psychologie et de la pathologie des phénomènes dits occultes ».
Porté par ses observations familiales, mais aussi par l’air du temps, il considère que les médiums, comme sa cousine, ont une personnalité hystérique.
Il participe activement, par ses travaux, à l’évolution de la manière de considérer les maladies mentales, en essayant de trouver les causes, en écoutant l’histoire du malade et non pas en tentant simplement de guérir les symptômes.
Il épouse en 1903 Emma Rauschenbach, une femme intelligente et cultivée avec qui il partagera de nombreuses passions, et formera un couple très soudé, même s’il lui imposera la présence d’autres femmes avec lesquelles il aura des relations suivies.
Il laissera l’image d’un médecin humaniste, à l’écoute, attentif. Freud le considérera pendant quelques années comme son « héritier », mais le reniera ensuite, considérant toute divergence d’opinion comme une atteinte à son autorité. Leur relation prend fin au printemps 1914.
En soutenant Freud, Jung était devenu une personnalité du monde de la psychanalyse, et s’était mis à dos le monde de la psychiatrie. Rejeté par Freud, il se retrouve très isolé, et traverse une période de crise.

Le Livre Rouge - Philemon 1
Le Livre Rouge – illustration de Jung

Le Livre Rouge (ou Liber Novus)

En 1913, il fait des rêves terribles, prémonitoires de la Grande Guerre. Il entre dans une profonde introspection, et passe beaucoup de temps à analyser, approfondir, retranscrire ses rêves. Il constitue ainsi le « Livre Rouge », dans lequel il recopie ses propres analyses en utilisant la calligraphie des 15ème et 16ème siècle. Le document est enrichi d’illustrations impressionnantes, et les folios reliés dans une couverture en cuir rouge, d’où son nom. Il y travaillera 13 ans.
Source Wikipédia : « Jung qualifie sa période de profonde introspection et confrontation aux visions et images issues de l’inconscient comme cruciale ; son œuvre tout entière en découle. « Les années durant lesquelles j’étais à l’écoute des images intérieures constituèrent l’époque la plus importante de ma vie, au cours de laquelle toutes les choses essentielles se décidèrent. Car c’est là que celles-ci prirent leur essor et les détails qui suivirent ne furent que des compléments, des illustrations et des éclaircissements. Toute mon activité ultérieure consista à élaborer ce qui avait jailli de l’inconscient au long de ces années et qui tout d’abord m’inonda. Ce fut la matière première pour l’œuvre d’une vie. »

Le Livre Rouge - Mandala
Le Livre Rouge – Mandala

Le Monde, l’Orient

A la sortie de sa période de désorientation, il éprouve le besoin de découvrir d’autres cultures. Il va alors voyager, d’abord en Tunisie en 1920, observant la société musulmane. Il se rendra plus tard au Nouveau-Mexique, où il rencontrera les Indiens Pueblos. Il découvre que leurs rituels ont pour finalité d’aider les dieux, et non pas de les solliciter, concept totalement nouveau pour lui.
Fin 1925, il part pour 6 mois en Afrique : Kenya, Ouganda, Soudan, Egypte.
C’est dans la savane africaine qu’il a une révélation : l’homme est le second créateur du Monde, par la conscience qu’il en a.
En même temps, il étudie des traductions des grands textes de l’Inde et d’Orient (Rig-Veda, Upanishads, le Mystère de la Fleur d’Or, Le Livre Tibétain des Morts…). Il découvre le Yi-king, dont la puissance le stupéfie, et qui l’amène à réfléchir aux « synchronicités », dont sa propre vie est d’ailleurs émaillée.
Il constate que la psyché orientale est plutôt introvertie, et la psyché occidentale plutôt extravertie, mais que les deux recherchent la même chose : « vaincre le caractère purement naturel de la vie ». Ce qui alimente sa théorie de « l’inconscient collectif » et des « archétypes ».

Le Livre Rouge – illustration de Jung

L’Alchimie

En 1928, il découvre la pensée alchimiste avec le traité taoïste « Le mystère de la fleur d’or ». Il est passionné par le sujet, qui va lui inspirer sa découverte psychologique majeure : le « processus d’individuation ».
Il publiera en 1944 « Psychologie et Alchimie », livre de 700 pages, très illustré, reprenant en partie 400 rêves faits par un patient de formation scientifique, sans connaissance des symboles dont il rêve, le futur prix Nobel de physique Wolfgang Pauli.

Durant 30 ans, Jung redéfinit en profondeur la psyché humaine, et élabore une nouvelle géographie de l’âme en 4 continents :

  • le moi conscient et ses orientations (les types psychologiques)
  • l’inconscient personnel
  • l’inconscient collectif
  • le Soi.


Il entend par « âme » la « globalité de la psyché humaine » à travers ses quatre dimensions.
Il prend ses distances avec la vision matérialiste de la psyché : « La conviction moderne de la primauté du physique conduit en dernière analyse à une psychologie sans âme, c’est-à-dire à une psychologie ou le psychique ne saurait être autre chose qu’un effet biochimique. »

Fin de vie et controverses

A la fin de la 2ème guerre mondiale, il est âgé de 70 ans, et fait l’objet de nombreuses critiques par rapport à sa relation avec le régime nazi.
Une étude sérieuse du sujet démontre que ces critiques (émanant surtout de partisans de Freud) sont infondées, basées sur des témoignages tronqués ou déformés.
Des sources sérieuses démontrent qu’il n’a jamais soutenu ce régime, qu’il a participé au sauvetage de Juifs, mais qu’il a parfois fait des choix qui paraissent mauvais aujourd’hui avec la connaissance des événements historiques. (Accepter des postes offerts par le régime nazi en pensant qu’occuper le terrain était une manière de limiter les dégâts).
Début 1944, victime d’un infarctus, il vit une NDE qui change définitivement son rapport avec la mort, qu’il ne redoute plus : « Ce que l’on appelle la vie est un court épisode entre deux grands mystères qui n’en font en réalité qu’un seul. Les morts ont la durée, et nous nous ne faisons que passer. » ; « La mort est en effet ( …) non une fin, mais un but, et c’est pourquoi la vie en vue de la mort commence dès que le zénith est franchi ».
Pour lui, la première partie de la vie a pour but de produire et se reproduire, la seconde doit nous permettre d’élever notre niveau de conscience : « Le degré de conscience atteint, où que ce soit, constitue, ce me semble, la limite supérieure de connaissance à laquelle les morts peuvent accéder. De là la grande signification de la vie terrestre et la valeur considérable de ce qu’un humain emporte d’ici « vers l’autre côté » au moment de sa mort. C’est seulement ici, dans la vie terrestre où se heurtent les contraires, que le niveau général de conscience peut s’élever. »
Il meurt le 6 juin 1961, à l’âge de 85 ans. Quelques heures après, le peuplier sous lequel il aimait s’asseoir est frappé par la foudre et se fend en deux…

SYSTEMA MUNDI TOTIUS, 1916 (Système du monde entier) Détrempe sur parchemin - Collection particulière
Systema munditotius, 1916 (Système du monde entier) Mandala – Jung – illustration du Livre Rouge

Partie 2 : Concepts

Jung, dès sa rupture avec Freud, apporte de nouveaux concepts à la psychothérapie.
Il pense que la guérison passe par le développement psychique et spirituel, qui élève l’individu, mais aussi en conséquence la conscience de l’humanité.
Il est le père du développement personnel.
Il travaille sur l’expérience intérieure – en se basant en partie sur la sienne – partagée entre le « numineux », rencontre du sacré au plus profond de l’âme, et le dialogue entre conscient et inconscient qui aboutit au « processus d’individuation ».
[Numineux (wikipédia) : Le concept de « numineux » apparaît pour la première fois chez Rudolf Otto dans son livre Le Sacré, publié en 1917. L’expérience numineuse est pour lui l’expérience affective du sacré.
Otto crée ce nouveau concept depuis le latin numen, la puissance agissante de la divinité. Le numineux est compris comme mysterium tremendum. Les deux notions sont intimement liées dans le concept de numineux. Le tremendum est l’effroi ou la terreur de la divinité, dans tout ce qu’elle a d’incompréhensible et de mystérieux. Le mysterium est l’appréhension d’un tout autre, altérité radicale, qui nous paralyse et nous fascine. Il prend ainsi la forme du fascinans, celui qui « séduit, entraîne, ravit d’étonnement », emporte dans « le délire et l’ivresse ». Le numineux est alors pris entre le pôle d’attraction séduisante, presque dionysiaque du fascinans et celui de répulsion par l’effroi du tremendum, en présence permanente du mysterium. Cette double tension nous fait prendre conscience de notre impuissance et finitude par rapport au tout autre, devant lequel on s’abîme dans notre propre néant. Le sentiment religieux est donc sentiment de dépendance face à la divinité transcendante.]

Vie symbolique

Une des théories défendues par Jung est que le sacré est inscrit dans la psyché humaine. Il fera inscrire sur sa porte, puis sur sa tombe, une parole de l’oracle de Delphes : « vocatus atque non vocatus Deus aderit » : « appelé ou non appelé, Dieu sera présent » ; ou plus simplement : « qu’on le veuille ou non, la question du divin s’impose ».
Il défend l’idée que la fonction religieuse favorise la collaboration entre les psychés consciente et inconsciente. Il renvoie donc ses patients aux aspects positifs de leur religion d’origine, mais reste pleinement convaincu – comme Freud – des aspects néfastes et dangereux des religions.

Archétype de Dieu

Jung reconnait qu’il existe dans notre inconscient collectif une image de Dieu dont on peut faire l’expérience subjective et indicible, propre à chacun. Il réfute la critique qui lui est faite de ne considérer Dieu que comme un produit de la psyché : cela ne prouve pas la non-existence de Dieu.
On comprend au travers de ses écrits sa propre conception du divin : c’est une vision panthéiste, un divin immanent imprègne toute la création. [Cette vision est certainement influencée par ses études autour de l’alchimie, et on est frappé par sa convergence avec la pensée néo païenne, ou de certaines « sorcières » (Ann Moura)]
Son amour pour la nature et les animaux rejoint ce principe.

Le christianisme

Jung rejette très tôt son éducation religieuse, et reste très méfiant à l’égard du catholicisme en particulier.
Il déplore les principes des religions qui présentent Dieu comme une entité supérieure à laquelle on doit se soumettre plutôt que l’idée de la rencontre dans l’âme avec une puissance intérieure.
Il critique également le rejet du féminin dans la religion chrétienne, et s’il salue la promulgation par Pie XII en 1950 du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, il regrette que cette figure de vierge-mère-immaculée puisse développer la misogynie envers les femmes « ordinaires ».
Enfin il trouve dangereux de considérer le mal comme extérieur à Dieu, alors que le bien et le mal sont complémentaires.

Le Soi et le processus d’individuation

Processus d'individuation par F. Lenoir
Le processus d’individuation par F. Lenoir

Le « Moi » représente le conscient de la psyché.
Le « Soi » contient le Moi et l’inconscient de la psyché. Il est en constante évolution, et ne pourra jamais être totalement connu.
C’est lui qui impulse le processus d’individuation.
Il faut d’abord une bonne connexion au moi, qui lui permettra ensuite « d’écouter » le soi.
C’est du soi que jaillissent les archétypes et les symboles qui jalonnent le chemin vers les notions de totalité et de centre.
Le processus se développe souvent en deuxième partie de vie, la première étant consacrée au travail, à la reproduction. Il s’accélère parfois après une crise : guerre, épidémie (Covid…).
Le but est de rapprocher le moi du soi, c’est une quête sans fin, mais qui donne du sens. Elle est comparable à la quête initiatique de la pierre philosophale par les alchimistes.
Le processus d’individuation est un moyen d’expérimenter la présence de Dieu en nous. Le « Soi » ne prend jamais la place de Dieu, mais il peut être un vaisseau pour la grâce divine.

Les symboles

Les symboles émanent d’un concours entre conscient et inconscient. Ils établissent des correspondances entre les deux, et sont d’excellents médiateurs pour une meilleure compréhension de soi.

Les archétypes

Ils correspondent au constat que les mythes, les contes, abordent des thèmes présents dans toutes les cultures. Les archétypes font partie de l’héritage collectif et individuel.
Exemples : le héros, le vieux sage, le dragon, la sorcière, le trésor…
Jung estime cependant que l’archétype par lui-même, situé dans l’inconscient, est « vide ». Son contenu se détermine au moment où il devient conscient, en fonction des individus, des époques, des lieux.
Présents dans l’inconscient de l’homme depuis l’origine, ils représentent des modèles de comportements instinctifs.

Les synchronicités

Une patiente de Jung, très rationnelle, lui raconte en séance qu’elle a rêvé qu’on lui offrait un scarabée en or.
A ce moment-là, une cétoine dorée entre par la fenêtre, Jung l’attrape et la montre à sa patiente. Cet événement crée un choc chez elle, et la fait progresser dans sa thérapie.
Dès 1930, Jung désigne ces phénomènes par le nom de synchronicité.
La plupart révèlent la correspondance entre un événement psychique et un événement physique, alors qu’ils ne sont normalement pas reliés entre eux. Il peut y avoir simultanéité ou décalage dans le temps.

Les rêves et l’imagination active

Jung travaille bien sûr sur les rêves de ses patients, rêves auxquels il attribue une fonction régulatrice entre conscient et inconscient.
Mais il estime qu’ils ne fournissent que « des expressions inférieures des contenus inconscients. »

Il expérimente alors, sur lui-même, « l’imagination active ».
La technique consiste, en état de veille, à convoquer une vision, et à y pénétrer, comme dans une pièce de théâtre. Il faut à la fois ne pas laisser le conscient reprendre le dessus, et être attentif à ce qui se passe dans la vision.
[On est bien proche des états de conscience modifiée, recherchés dans les pratiques ésotériques.]
Il faut ensuite tracer l’expérience, par le dessin, l’écriture, la peinture… Jung lui-même reportera ses impressions dans son Livre Rouge, souvent sous la forme de mandalas.

Les mandalas

Ils semblent exister depuis la préhistoire, plus ou moins élaborés, simple cercle de protection, au centre duquel on trouve la déité, ou enceinte du temple ou de l’église qui protège et isole le culte.
Ils apparaissent à toutes les époques, et en tous lieux, aussi bien en orient qu’en occident.
La circumambulation rejoint le principe du mandala (derviches tourneurs, bouddhistes autour des stupas, La Mecque autour de la Kaaba…)
Le mandala est un support de méditation, de contemplation.

Les rituels

Pour Jung, plusieurs traditions contribuent au processus d’individuation.
La messe chrétienne, par exemple, élaborée à partir de traditions anciennes, et profondément ancrée dans l’esprit humain, doit être suivie à la lettre, et accompagnée de prière, de confession, pour avoir un effet réel sur le psychique.
Les rituels alchimiques répondent aux mêmes principes, entre les processus physiques et psychiques de transformation.
Quelles que soient les croyances, et les rituels qui y sont attachés, Jung leur accorde une grande importance, car ils permettent aux pratiquants un accès à leur inconscient et une bonne hygiène mentale.

La Persona

Masque porté par les acteurs du théâtre antique, la persona correspond à l’image que chacun pense devoir montrer en fonction de son rôle social.
Elle est un partenaire du Moi, auquel plusieurs personae peuvent être attribuées : le père, conférencier, professeur, sportif…
Le poids de la société peut être puissant dans la construction de la persona, et s’il y a un trop grand déséquilibre entre la persona et le moi profond, il y a rupture…

L’ombre

Il s’agit des aspects de notre personnalité que nous préférons ne pas voir.
Jung estime qu’il faut les faire remonter, les affronter, et que rendre l’ombre consciente est essentiel au processus d’individuation.

L’anima et l’animus

L’anima est la partie féminine dans l’inconscient de l’homme, et l’animus la partie masculine dans l’inconscient de la femme.
Ils fonctionnent comme des passerelles vers des images de l’inconscient collectif, archétypes fondamentaux que sont le logos (esprit, volonté, combativité…) et l’éros (émotion, sensibilité, tendresse…)

Le besoin de sens

Jung est convaincu que la plupart des souffrances psychiques sont liées à l’absence de sens. La perte des valeurs religieuses, civiques, politiques actuelles laisse la place au consumérisme, qui ne saurait avoir les mêmes effets.
Le monde occidental moderne est porteur de grands progrès : droits de l’homme, progrès scientifiques et techniques, etc.. mais le prix à payer est la rupture avec le passé, la nature, le cœur et l’intériorité.


« C’est précisément la perte de relation avec le passé, la perte des racines qui crée un tel « malaise dans la civilisation » et une telle hâte que nous vivons plus dans l’avenir, avec ses promesses chimériques d’âge d’or, que dans ce présent que l’arrière-plan d’évolution historique n’a pas encore atteint. Nous nous précipitons sans entraves dans le nouveau, poussés par un sentiment croissant de malaise, de mécontentement, d’agitation. Nous ne vivons plus de ce que nous possédons, mais de promesses ; non plus à la lumière du jour présent, mais dans l’ombre de l’avenir où nous attendons le véritable lever du soleil. Nous ne voulons pas comprendre que le meilleur est toujours compensé par le plus mauvais. L’espérance d’une plus grande liberté est anéantie par un esclavage d’Etat accru ; sans parler des effroyables dangers auxquels nous exposent les brillantes découvertes de la science. Moins nous comprenons ce que nos pères et nos aïeux ont cherché, moins nous nous comprenons nous-mêmes et nous contribuons de toutes nos forces à dépouiller l’individu de ses instincts et de ses racines, si bien que devenu particule dans la masse, il n’obéit plus qu’à « l’esprit de pesanteur. » »
(« Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées » p 376 (écrit entre 1956 et 1961))


La suprématie de la raison s’est exercée au détriment de l’imaginaire, pourtant essentiel pour l’être humain. D’où le succès phénoménal des œuvres de JRR Tolkien, ou de JK Rowling…

Repères

L’inconscient personnel p 81, 88
Les types psychologiques p 82
L’inconscient collectif p 91
Le Soi p 94, 213
Le processus d’individuation p 213
Les archétypes p 230
Les synchronicités p 246
Les mandalas p 264
Les rituels p 264
La persona p 271
L’ombre p 274
L’anima, L’animus p 280
Le besoin de sens p 293

Recherches à faire :
Kant
Swedenborg
Schopenhauer

Lire :
Le miracle Spinoza, Frédéric Lenoir

Auteur/autrice : Verowyn

Personne aux multiples facettes, je présente ici mon aspect "Sorcière"...